Remarques pour la rentrée judidiciaire
Le juge en chef Paul Crampton
Montréal, le 8 septembre 2022
(Ce discours prononcé en français et en anglais)
Je vous remercie, Madame la bâtonnière.
Distingués invités.
Permettez moi d’abord de remercier la bâtonniere Mousseau de me donner l’occasion de prendre la parole.
L’ouverture des tribunaux à Montréal est un événement phare de la rentrée. Je suis toujours ravi d’y participer.
Aujourd’hui, j’aimerais aborder quatre sujets. Heureusement, je pense qu’ils sont tous reliés au thème de la rentrée : « bâtissons l’avenir. »
Premièrement, une des priorités primordiales de la Cour fédérale en ce moment est d’atteindre un juste équilibre entre la tenue d’audiences en présentiel et par vidéoconférence. Comme le juge en chef Wagner l’a répété hier, les tribunaux ne peuvent simplement revenir à la formule pré-pandémie. Il nous incombe de continuer le virage numérique que nous avions entrepris et que la pandémie de la COVID-19 a accéléré.
Entre autres, il s’agit de distinguer les types d’affaires qu’il convient d’entendre lors d’audiences en personnes de celles qui peuvent l’être par vidéoconférence. À cet égard, nous avons annoncé au mois de juin de cette année que dès septembre, nous fixerions toutes les audiences d’une durée de trois heures ou plus en présentiel.
Quant aux audiences de plus courte durée, les parties auront le choix du mode d’audience. Il semble y avoir beaucoup d’enthousiasme pour les vidéoconférences dans le cas des conférences de gestion d’instance, des courtes requêtes, de demandes de contrôle judiciaire mettant en jeu des questions courantes en matière d’immigration, et toutes autres questions susceptibles d’être traitées rapidement. Les gains en efficacité liés à ce mode d’audience sont évidents. De plus, le fait pour les parties de choisir le mode d’audience qui leur convient est de nature à favoriser un meilleur accès à la justice.
Cela dit, nous avons reçu très peu de demandes pour la tenue d’audiences en personne depuis le début de la pandémie - ceci en dépit du fait que nos juges sont plus que disposés à retourner en salle d’audience et que nous incitons les parties à s’en prévaloir.
En résumé, il ne serait pas dans l’intérêt à long terme de la Cour, ou même de l’administration de la justice en général, que la Cour tienne principalement des audiences sur la plateforme Zoom. Ainsi, la Cour sera vigilante en assurant un juste équilibre entre les audiences en personne et les vidéoconférences. Si nous devons étendre le type d’audience en présentiel présumé à d’autres types d’affaires afin d’atteindre cet équilibre, nous le ferons.
Il est évident que nous resterons ouverts à la tenue d’audiences hybrides. De façon générale, il s’agit des audiences en présentiel où un ou plusieurs témoins, voire l’avocat, participent à distance. Nous avons travaillé sans relâche pour nous assurer que le matériel nécessaire pour faciliter ces types d’audiences soit déployé dans un plus grand nombre de nos salles d’audience à l’échelle du pays.
La consolidation du gain numérique réalisé au cours des deux dernières années signifie également que nous encourageons l’abandon progressif du format papier en le remplaçant par l’utilisation des dossiers électroniques dans les audiences en présentiel. Nous avons abordé cette question en juin dernier dans la « Mise à jour no 8 et directive sur la procédure consolidée relative à la COVID-19 » que nous avons publiée.
Je vais maintenant aborder mon deuxième sujet. Il s’agit de la composition de la Cour. À mon avis, la Cour se doit de représenter davantage les régions et la riche mosaïque démographique du Canada, tout en continuant de mettre l’emphase sur les aptitudes juridiques exceptionnelles de ses membres. Il s’agit là d’un élément essentiel à la confiance du public dans la Cour.
Pour attirer les meilleurs candidats dans certains des principaux domaines de compétence de la Cour, et dans une optique de recherche constante de l’excellence en ces matières, j’ai annoncé en juin dernier la mise en place d’un projet pilote visant la création de quelques chambres ou divisions au sein de la Cour.
Pour la première phase du projet, nous avons établi trois nouvelles chambres. La première regroupe le droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence. La deuxième est dédiée au droit de l’amirauté, et la troisième au recours collectifs. Si ce projet est couronné de succès, nous envisageons la création de d’autres chambres, notamment en matière de droit autochtone et de sécurité nationale.
Comme le ministre (David) Lametti est présent ici aujourd’hui, j’ajouterais simplement qu’il est facile d’imaginer une ou plusieurs autres chambres, par exemple, qui serviraient à traiter un nouveau domaine de compétence qu’il serait logique de confier à la Cour, de l’avis du ministre.
En ce qui concerne mon troisième sujet, je parlerai au nom du juge en chef (Marc) Noël, qui n’a pas pu être parmi nous aujourd’hui. Il s’agit d’une brève mise à jour des activités de la Cour d’appel fédérale.
Depuis septembre 2021, la Cour d’appel fédérale offrait toutes les options aux justiciables pour le mode d’audition; ceux qui le souhaitaient pouvaient comparaître en personne et ceux qui souhaitaient comparaître à distance pouvaient le faire.
Dans un avis aux parties et à la communauté juridique publié en juin 2022, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’elle prévoit reprendre les audiences en personne à compter de septembre 2022, à supposer que la situation sanitaire continue de s’améliorer. Ce mode de comparution redeviendra la procédure habituelle.
La Cour d’appel fédérale examinera les demandes d’audiences par vidéoconférences ou hybrides au cas par cas. Bien entendu, cette Cour reprendra ces modes d'audience si la situation sanitaire se dégrade.
En ce qui concerne l’accès du public aux audiences, la tribune est réouverte au public. De plus, la Cour d’appel fédérale continuera de permettre au public d’assister à toutes les audiences en ligne lorsque la technologie le permet.
La Cour d’appel fédérale continuera aussi à demander aux parties de déposer tous les documents par voie électronique et d’encourager les parties et le public à communiquer avec le greffe par courrier électronique et par téléphone, dans la mesure du possible.
Finalement, pour mon quatrième sujet, le juge en chef Noël et moi aimerions vous donner une mise à jour concernant notre projet pilote en matière de bijuridisme procédural, dont je vous ai parlé lors de la rentrée 2019.
Ce projet pilote vise à répondre à l’inconfort que manifeste plusieurs procureurs québécois face aux règles de procédure des Cours fédérales. Cette initiative permet aux parties représentées par des avocats membres du Barreau du Québec qui désirent intenter une action et qui ont toutes deux donné leur consentement à ce que leur action se poursuive devant la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale en vertu du Code de procédure civile, à le faire, sous réserve des ajustements nécessaires.
Le consentement a été donné à quatre reprises à date. À l’heure actuelle, il n’y a pas de dossiers actifs dans le cadre du projet pilote, mais il est toujours possible de s’en prévaloir.
L’introduction du projet pilote s’est fait juste avant le début de la pandémie. Ceci explique possiblement le peu d’engouement généré à date. Nous comptons continuer à offrir cette option pendant la prochaine année et réévaluerons son utilité à l’automne 2023.
Nous invitons donc les procureurs à profiter du projet pilote pendant qu’il est encore temps de le faire.
Avant de terminer, j’aimerais souligner qu’il nous reste toujours trois postes de juge à la Cour fédérale à combler ici au Québec. J’encourage donc tous les membres du Barreau qui pratiquent dans les domaines du droit de la propriété intellectuelle, du droit maritime, du droit administratif, du droit de l’immigration, du droit autochtone ou du droit sur la sécurité nationale, ainsi que les plaideurs renommés à travers la province, à songer à poser leur candidature pour joindre les rangs de la Cour fédérale. Pensez y, surtout si vous pouvez nous aider à atteindre notre but d’accroître la diversité et la parité homme/femme de la Cour.
En guise de conclusion, je vous remercie à nouveau, Madame la bâtonnière, et je souhaite à tous et à toutes qui sont présents ici une bonne rentrée judiciaire 2022.